Gestion des entreprises publiques : Quand l’Ampsi masque ses comptes

aéroport de Moroni Hahaya

 

Par Abdou Moustoifa

Après reconstitution des opérations effectuées par les services financiers de l’Ampsi, la section des comptes a constaté des écarts qui s’élèvent à plus 60 millions francs comoriens de 2014 à 2016.  Le service de comptabilité n’a pas réussi à expliquer la disparition de ces sommes faramineuses.

Des calculs fallacieux, des recettes minimisées…telles sont les premières révélations faites par les magistrats de la section des comptes dans la première partie du rapport sur le l’aéroport international Moroni prince Saïd Ibrahim(Ampsi). Lors de cet audit, il s’est avéré que les bilans financiers de la période sous revue à savoir 2014-2017 présentent beaucoup d’erreurs. Celles-ci concernent les recettes de la société. En effet, les sommes mentionnées sur les documents ne collent pas avec les chiffres de la juridiction financière après vérification. Pendant ces quatre ans, l’Ampsi a récolté 6 milliards 770 272 356 francs selon un tableau retraçant les apports annuels souligne ce rapport consacré à l’Aimpsi sorti le 12 septembre dernier. Soit une moyenne annuelle 1.6 milliards en termes de recettes.  Ça aurait pu en rester là. Sauf qu’en analysant exhaustivement les documents transmis à par le service comptable, la section des comptes a constaté que plusieurs redevances présentent des cases vides. C’est-à-dire, elles n’ont généré aucun round pendant des années. Sur la liste des redevances concernées, on retrouve entre autres, la redevance parking, les comptoirs, les badges ou encore les produits ex antérieurs.

 

Zéro francs pour 4 redevances

 

En 2014, il y est apparu que les caisses de l’établissement ont enregistré zéro franc venant du parking. Ce qui signifierait que pendant une année, aucun véhicule n’a stationné à l’Ampsi. Drôle comme explication non. Puisqu’en 2015 les redevances du parking sont évaluées 50 millions 728 000 francs. D’ailleurs entre 2015 et 2017, le parking auto-civil a permis à l’aéroport de toucher 146 millions 618 158 francs. A en croire toujours les chiffres, en 2015 le services financiers n’ont encaissé aucun centime issu des comptoirs, les badges et les produits ex antérieurs alors que l’Aimpsi fonctionnait. Toujours pas de traces des redevances des comptoirs, des badges et de la cantine restaurant en 2016. Des badges dont les recettes comptabilisées en 2014 ont atteint les 202 millions 881 813 francs. On se demande comment cela a pu être possible alors qu’en 2017, les recettes du comptoir ont fait entrer dans les caisses plus de 73 millions francs. Ce montant était de 55 millions 418 718 francs en 2014. Rappelons que les recettes de l’Ampsi, proviennent essentiellement de ces 11 redevances :  les passagers, la sureté et la sécurité, les services simplifiés(Pax), les aéronefs, le parking auto, les panneaux publicitaires, l’occupation des locaux, l’eau et l’électricité, l’intéressement des frets les produits financiers.  Les trois premières redevances constituent à elles seules 84% des recettes de la société. La redevance passager est une taxe facturée par passager ayant pris un vol : 8000 francs pour les vols internationaux et 500 en ce qui concerne les domestiques. Pour la sûreté, on procède de la même manière seul le montant change par contre. Le paiement est de 5000 francs pour le premier cas et 1000 francs par les vols locaux.

 

Ecarts de 99 millions 

Face à ces multiples trous, la section a décidé de reconstituer les opérations effectuées à partir des bilans qui leur a été transmis. Et les écarts constatés entre 2014 et 2016 sont considérables. Le montant varie d’une année à une autre. 15 millions 238 892 en 2014, 19 millions 671 747 en 2015 et enfin 29 millions 584 366 pour 2016. Soit à peu près 64 millions 495 005 francs dont on n’a pas retrouvé les traces. Ces constats ont permis à la juridiction financière de tirer la conclusion suivante : plusieurs millions ont été minimisés, donc volatilisés à travers des calculs fallacieux. En 2017, les erreurs remarquées sont négligeables note-t-on. Le gendarme de la finance a également procédé à une évaluation plus approfondie. Pour recalculer les recettes exactes devant être perçues, ils se sont servis de l’arrêté conjoint du ministre des transports et son collègue des Finances, fixant les prix des recettes, la juridiction financière a sélectionné 5 redevances. Il s’agit de la sureté, les passagers, parking auto civile, les frets, et le banc d’enregistrement(comptoirs). Et les sommes d’argent qui se dégagent après comparaison des deux comptes ont de quoi surprendre. Rien qu’en 2014, il y a eu 14 millions 853 297 francs dont on n’a pas pu trouver les traces. Bref passons à l’année 2015. L’Ampsi a reconnu avoir collecté 892 038 801 pour les cinq redevances. Toutefois les calculs de la section des comptes donnent 1 milliards 139 190.  Soit une différence de 359 millions 100 389 francs volatilisés. Les écarts de 2016 et 2017, ont atteint 99 millions 236 627. Le comptable Mmadi Sanfi qui a travaillé durant cette période n’a pas pu apporter des explications.

Une pléthore de prêts

Les autres révélations faites à l’issue de cet audit concernent des prêts accordés aux agents dont une partie n’a toujours pas été remboursée. 75% de l’argent se trouve dehors. Et c’est tout le processus qui a été remis en cause. D’abord, les procédures des avances moins claires, pas une seule décharge. Il n’existe aucun texte définissant les méthodes de remboursement. Pourtant les conditions d’octroi de prêt au personnel de l’Ampsi, sont claires dans la page 3 du manuel de procédures. “ Les prêts sont interdits sauf une raison bien fondée et appréciée par le directeur général et son contrôleur” précise le point 5.2.2 de document cité précédemment. Les motifs qui reviennent sont les problèmes familiaux, sans plus de précision. Les auditeurs ont cherché à jeter un œil sur des procès-verbaux dans lesquels on expliquait les raisons de l’octroi des prêts en vain. Il n’y en a pas. Entre 2005 et 2016, les montants non remboursés sont estimées à 2 millions 628 350 francs. En 2017, ce chiffre a atteint les 11 millions 104 000. Entre les directeurs, c’est Yasser Assoumani qui a accordé le plus de prêts. Actuellement l’argent non remboursé est estimé à 13 millions 732 350 francs. Ces opérations de prêts sont entourés d’une opacité totale a conclu le rapport.  Certains agents continuaient de bénéficier dans la même année un deuxième prêt sans pour autant rembourser le précèdent.  D’autres se trouvant toujours sur la liste perçoivent mensuellement jusqu’à maintenant leurs salaires sans la moindre ponction. Tout comme il y en a ceux qui sont partis à la retraite avec les dettes.

By Abdou Moustoifa

Journaliste comorien exerçant à Al-watwan, le premier journal des Comores. Depuis trois ans ans, il se charge des ces deux rubriques : l’éducation et les télécommunications.

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