Le gouverneur de Mwali, l’ancien président de l’Assemblée nationale ainsi que l’ex vice-président de Ndzuani n’ont jamais désigné leurs conseillers devant siéger à la cour constitutionnelle. Au lieu de veiller à ce que ces nominations interviennent, en sa qualité de garant des institutions, Azali Assoumani en a profité au contraire de ce vide juridique pour liquider définitivement via un simple décret la haute cour où il n’était représenté que par seul conseiller.
Par Abdou Moustoifa
C’était un jeudi 12 avril 2018. Ce jour-là, une décision prise par le président Azali Assoumani a fait l’effet d’une bombe et pris tout le monde de court. Considéré jusqu’à présent par la majorité des juristes et les citoyens comme “un hold-up institutionnel”, le transfert des compétences de la cour constitutionnelle à la cour suprême, via un simple décret aura marqué la présidence du colonel. Si trois ans plus tard la décision continue d’être décriée au vu de ses conséquences, il convient surtout de designer les trois principales personnalités responsables du sort réservé à la cour constitutionnelle. Il s’agit de Mohamed Said Fazul, Moustadroine Abdou et Abdou Ousseine. Il faut noter qu’ en 2017, 5 autorités étaient appelées à nommer leurs conseillers à la cour. Sur la liste, on y retrouvait les trois gouverneurs des îles , le président de l’Assemblée nationale ainsi que le Vice-président de Ndzuani. Une prérogative prévue dans la constitution de 2009. Celle-ci dispose en effet dans son article 37 que :
« Le président de la République, les vice-présidents de l’Union, le président de l’Assemblée de l’Union ainsi que les chefs des exécutifs des îles nomment chacun un membre de la cour ».
Généralement, tous les conseillers de la cour ne prennent pas fonction la même année. Même si la durée du mandat reste en revanche la même, six ans. Pour ce qui est des nominations des nouveaux membres , elles doivent intervenir huit jours avant la fin des mandants de leurs prédécesseurs selon l’article 1er alinéa 2 de la loi relative à l’organisation et compétences de la cour constitutionnelle. Très attachée au respect des textes, la cour constitutionnelle avait déjà interpellé les concernés, un mois avant l’expiration des mandants des 5 membres de l’équipe sortante.
Avertis un mois avant
“Nous leur avons envoyé des courriers un mois avant l’expiration des mandats des conseillers afin qu’ils désignent leurs représentants“, assurait un greffier de la cour lorsqu’on constatait que rien ne bougeait
A cette époque, Hassani Hamadi alors chef de l’exécutif de Ngazidja et son collègue de Ndzuani, Abdou Salami étaient les seuls à s’être conformés à la disposition citée précédemment en nommant les conseillers : L’ancien président du tribunal Hamada Hamidou pour le premier, pendant que le second avait choisi Chamsidine Achiraf. Ces deux-là, remplaçaient respectivement Aboubacar Abdou et Antoy Abdou dont les mandants avaient respectivement expiré depuis le 11 juin et le 2 mai. Mohamed Fazul, Abdou Ousseine et Moustadroine Abdou ne l’ont jamais fait. Si ces derniers avaient nommé leurs conseillers, la cour ne serait pas paralysé voir liquidée pour ce motif. D’autant plus que les mandants des trois autres membres restants, couraient jusqu’en 2020. Année à partir de laquelle, le bal aurait dû revenir au président de la République, Azali Assoumani, son vice-président de Ngazidja Djaffar Ahmed Said et le vice-président de Mwali, Abdallah Said Sarouma pour nommer leurs représentants.
Quatre ans après cette inaction qui a servi de prétexte au président Azali pour supprimer la cour, de nombreuses questions restent en suspens. Pourquoi l’ancien président de l’Assemblée nationale, l’ex vice-président de Ndzuani ainsi que le Gouverneur de Mwali n’ont jamais nommé les conseillers alors qu’ils avaient largement le temps pour réfléchir ? Étaient-ils au courant des manœuvres du président Azali Assoumani visant à se débarrasser la haute cour ? Interrogé à cette époque-là , Moustadroine Abdou disait réfléchir toujours sur la personnalité à nommer. Quant à Fazul, il n’a jamais expliqué son silence.
” je suis en train de voir quelle est la personne qui mérite que je confie cette responsabilité“, déclarait le 12 juin 2017 à Al-watwan, Abdou Ousseine.
Complicité
Comme quoi en deux ans , il n’avait toujours pas pu faire un choix. Drôle de réponse non pour celui qui occupe le poste de président de l’Assemblée depuis 2015. Relancé pour une deuxième fois, l’ancien élu estimait qu’il n’y avait pas urgence puisque nous n’étions pas en période électorale. Une vision assez réductrice du rôle de la cour constitutionnelle. La deuxième personnalité ignorait-elle que la haute cour ne se résumait pas au règlement des contentieux électoraux ? Ou ne savait-il pas que le poste qu’il occupait lui donnait droit à un représentant au sein de la cour. Entre les réponses saugrenues de Moustadroine Abdou et d’Abdou Ousseine , ajoutées au silence de Fazul, y’avait-il une complicité de ces trois autorités avec le président Azali Assoumani ? Aux yeux de l’opinion, il ne fait aucun doute que la non désignation des conseillers par ces personnalités aussi proches du chef de l’État était volontaire. Sinon comment comprendre que pendant trois ans, Moustadroine Abdou, Mohamed Fazul ou encore Abdou Ousseine n’aient pas trouvé des conseillers à envoyer auprès de la cour pour les représenter.
S’il y avait aucune volonté de se débarrasser de la cour constitutionnelle, pourquoi la cérémonie de prestation de serment des deux conseillers désignés à temps par Abdou Salami et Hassani Hamadi depuis juin 2017 n’a pas été organisée. Alors que la loi relative à l’organisation de la cour dispose dans son article 2 alinéa 2 que « les membres de la cour sont tenus à la prestation de serment dans les 30 jours qui suivent le jour où leur nomination leur a été notifiée ».