Le gestion opaque de l’Onicor

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«Une comptabilité défaillante, des fiches de vente erronées, une trésorerie en dégringolade». La situation de l’Onicor est alarmante.  Rien qu’en trois ans, de 2014 à 2017, la société a enregistré des pertes représentant un manque à gagner de plus d’un milliard, plus précisément 1.027.772.515 francs. Le rapport que vient de publier la section des comptes tire la sonnette d’alarme sur la fragilité de l’institution.

 

Par Abdou Moustoifa 

L’Office national d’importation et de commercialisation du riz (Onicor) va mal. C’est la conclusion tirée par la section des comptes qui a sorti un rapport le mois dernier sur la gestion interne de l’Onicor de 2014 jusqu’en 2017. Même si on a observé quelques résultats encourageants (2014,2016 et 2017), la situation financière de l’Onicor est préoccupante, lit-on dans ce rapport publié le 9 octobre dont Al-watwan s’est procuré une copie. Le gendarme des finances publiques a en effet soulevé de nombreuses irrégularités. Parmi elles, l’inexistence du conseil d’administration de l’Onicor. Installé en 2013, sur recommandation de la section des comptes, celui-ci n’a pu se réunir qu’à quelques reprises jusqu’en 2016.

Gré à gré 

Depuis, les membres n’ont pas pu se retrouver faute de quorum. Les deux représentants de la présidence devant siéger sont rappelés, selon les explications fournies par Mze Ali Azhar, à d’autres fonctions. Ils n’ont jamais été remplacés. Bien qu’il ait saisi l’autorité compétente pour désigner les successeurs.

En vain.  A entendre cet ex directeur [il a dirigé la société d’août 2016 à juillet 2019], un conseil de direction présidé par lui-même avait vu le jour pour assurer les missions du CA. Mais la présidence a remplacé cet organe par un comité de redressement de l’entreprise dirigé par le ministre des Finances, Saïd Ali Saïd Chayhane (…).

Le travail des enquêteurs s’était focalisé seulement sur le riz ordinaire et le don japonais. Après avoir épluché les contrats relatifs à la commande du riz, les magistrats ont constaté l’octroi des marchés à des fournisseurs sans appels d’offres. Ce qui constitue une violation de la loi N° 11-027/Au du 29 décembre 2011, portant passation des marchés publics et délégations des services.

Lire aussi : https://alwatwan.net/societe/contr%C3%B4les-des-d%C3%A9penses-publiques-i-la-section-des-comptes-%C3%A9pingle-la-gestion-des-soci%C3%A9t%C3%A9s-d%E2%80%99etat.html

Alladine Daroumi et Mze Ali Azhar, directeurs de l’Onicor pendant la période sous-revue ont à plusieurs reprises fait fi de cette loi. Le premier (2008 -2016), a signé 3 contrats (janv-févr et décembre) en 2015 de gré à gré avec le responsable de la société appelée Global Transit, Bicchierai Nicolas. Un an plutôt, un contrat estimé à 9.596.832.425 francs pour l’achat du riz ordinaire, y compris les frais de débarquement à quai et le transbordement avait été conclu toujours sans appel d’offres.

Un marché de 11 milliards

Un an après encore, on a recensé un deal scellé dans les mêmes conditions, évalué à 11.686.985.831 francs. Comme son prédécesseur, Mze Ali Azhar a lui aussi signé en 2017, «quatre contrats sans respecter la loi sur la passation des marchés» avec quatre sociétés différentes : Roop international general trading Llc, Meskey&femtee (pvt) Ltd, Gmtc et enfin Emtc.

Malgré tout cela, la cour a néanmoins noté une légère augmentation du chiffre d’affaires durant les quatre années auditées. En 2014 par exemple, l’entreprise a connu une croissance de 9% grâce aux performances de l’année précédente. En 2017, les capitaux permanents ont augmenté de 14%. Les actifs circulants ont par contre baissé de 8%.
Au niveau des autres indicateurs, le tableau est alarmant. A commencer par le fonds de roulement qui continue de se tarir depuis 2015 jusqu’à maintenant. Rappelons que si le fonds de roulement est positif, cela signifie que la société est capable de financer ses investissements sur le long terme ou ses dépenses d’exploitation. Côté financier, la cour s’est penchée sur les dépenses de la société.

Pas de liste des créances 

Et la note attribuée à l’Onicor est mauvaise. D’abord, il y a l’absence de certaines pièces. En 2014, la société a acheté un terrain à Ndzuani pour un montant de de 37, 5 millions de francs. Ne disposant pas du moindre acte topographique, la section des comptes n’a pas pu apprécier la transaction foncière.
La preuve, l’Onicor a déboursé 142,397 millions de francs en six ans, pour s’offrir 21 véhicules depuis 2010. Pourtant, la durée d’amortissement est de 4 ans. Rien qu’en 2015, l’établissement a acheté 9 voitures dont des 4*4, Hyundai, Megane scenic, entre autres. Tout cela sans un plan d’investissement pour les besoins en vehicules de service.

Plus surprenant encore, un ordre de paiement des 2 Renault Dusters qui ont coûté en 2017 la somme de 10,3 millions de francs ne comporte ni la signature du directeur général, ni celle du Daf. Ce dernier a d’ailleurs déclaré que depuis fin 2017, il n’a signé aucune fiche d’engagement autorisant des dépenses. Il a accusé les directeurs généraux de gérer la société avec seulement leurs collaborateurs.

L’analyse des exercices, passés au peigne fin a aussi révélé des pertes considérables subies par la société entre 2014 et 2017. Là encore, on a évalué des milliards de francs de manque à gagner. En 2015, par exemple, l’écart entre les quantités réceptionnées et vendues est de 4 894,97 tonnes alors que le stock enregistré le 31 décembre de la même année est de 4842,40 soit un manque à gagner de 14,877.31 millions de francs. L’année suivante, précise le rapport, ce chiffre passe à 636.087.780 millions fc. Cela représente 4,25% du total réceptionné. Le manque à gagner de 2017 est de 376, 807.425 millions. En 2016, l’Onicor avait détruit 633, 33 tonnes de riz avariés.

Dégradation du capital social 

En réponse à ces milliards perdus, le chef du service de la logistique et celui de la comptabilité ont affirmé avoir relevé plusieurs irrégularités dans la gestion du stock. Le système comptable utilisé à l’Onicor n’est pas en mesure de détecter les difficultés entre le département de la logistique et le département commercial.

La disponibilité spontanée est en disparition. La dégradation du capital social, du fonds de roulement et de la marge commerciale, illustrent la crise que traverse cette société d’Etat. Il n’y a même pas de réserve légale disponible permettant de couvrir en cas de risque conséquent les dommages sur nature. Jusqu’à présent, la société ne dispose d’aucune base de données rassemblant les créances-clients.
Donc, l’office n’est pas en mesure de connaitre d’une manière exacte les créances irrécouvrables, les créances douteuses ou les restes à couvrir.  Pourtant, rien qu’en 2017, les créances s’élevaient à 1.667.445.485. Le service de recouvrement est incapable, faute de moyens, de remplir ses missions. Une telle situation enfonce la trésorerie de l’Onicor et contribue à la croissance des impayés, déplorent les auteurs du rapport.

 

Le fichier du personnel est défaillant. L’autre facteur qui plombe l’Onicor : les recrutements de masse. Le comble, il n’existe pas un fichier du personnel définissant les dates d’embauche et les avantages alloués aux agents. Aboudou Miroidi, nommé il y a 4 mois, prendra-t-il des mesures pour sauver la société ou continuera-t-il avec les mêmes pratiques ? Si rien n’est fait, met en garde la section des comptes, l’Onicor coulera sous peu.

By Abdou Moustoifa

Journaliste comorien exerçant à Al-watwan, le premier journal des Comores. Depuis trois ans ans, il se charge des ces deux rubriques : l’éducation et les télécommunications.

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