Plusieurs compagnies aériennes doivent des sommes astronomiques à l’aéroport internationale Moroni prince Saïd Ibrahim. Ces créances non recouvrées représentent un manque à gagner de plus de 1 milliards francs comorien pour l’Ampsi. Une négligence du service de recouvrement serait à l’origine de ce gonflement des créances.
Par Abdou Moustoifa
695 millions 442 373 francs. C’est le montant exact de l’argent que les compagnies aériennes doivent encore à l’Ampsi pour les redevances de 2017. Depuis 2014, de nombreuses compagnies aussi bien nationales qu’internationales font preuve de laxisme dans le règlement de leurs créances révèle le rapport de la section des comptes sur la gestion de l’Ampsi publié le mois de septembre dernier. Celui-ci indique qu’en 2014, par exemple, les redevances des compagnies devraient faire drainer 1 milliards 219 501 116. Mais 22% de ce montant n’a pas été encaissé. De 2015 à 2017, les restes à recouvrer sont évalués à 1 milliards 818 163 538 francs. Parmi les mauvais payeurs, on retrouve Yemenia Air ways, Air Madagascar, Kenya Airways. Dans la liste de 2016, la compagnie kenyane cumulait à elle seule 100 millions 719 517 de crédits contre 51 millions 462 285 pour Air Madagascar. En 2017, ces deux mêmes compagnies devaient à l’Ampsi la somme de 206 millions 342 788 francs. Au niveau national, le podium est occupé par AB-aviation et Com’air Assistance. Même si une annulation de la dette allant de la période de 2016 à 2017, envers des compagnies comoriennes a été décidée par la ministre des Finances et son collègue des transports. Ces créances épongées par Sitti Kassim et Djaanfar Laguerre représentent un manque à gagner de 358 millions 302 301 pour l’établissement. Une manne financière importante qui aurait pu aider l’Ampsi à diminuer les emprunts qu’il contracte chaque année. En 2017 la dette de l’établissement s’élevait à 398 millions 172 889 francs.
Des achats de 52 millions sans appel d’offre
Coté dépense, la juridiction financière a scruté l’utilisation de l’argent de la société. Les anomalies répertoriées sont nombreuses : des paiements effectués en violation des procédures administratives, des dépenses payées sans pièces justificatives, des marchés passés de gré à gré entre autres. L’actuel directeur général Yasser Assoumani a procédé lui-même à l’achat de cinq bus pour 52 millions francs sans passer par un appel d’offres. Un des bus de 30 places a coûté la coquette somme de 32 millions. Pourtant le manuel de procédure a fixé un seuil : 3 millions pour les achats et 20 millions si ce sont des travaux. Sous l’ère d’Omar Mohamed, les dépenses payées sans pièces se chiffrent selon un rapport d’audit en 2015 à 45 millions 153 200 francs. Plus « généreux » ce dernier accordait même des jetons de présence à des personnes tierces non membres du conseil d’administration pendant les sessions. “Plusieurs agents percevaient des indemnités évaluées à 2millions 700 de francs entre 2014 et 2016. Mais il n’existe aucun document qui justifie ces versements“, pointe les auditeurs. Comme dans la première partie de ce rapport d’audit de l’Ampsi, rédigé par la section de comptes publié au mois de septembre dernier, les auditeurs ont décelé d’importantes erreurs de calculs. Celles-ci concernent dans un premier temps les dettes de la société. Après comparaison, le bilan détaillé et le bilan consolidé ne donnent pas le même montant. L’écart qui s’est dégagé est de 217 millions 208 139 francs qui reste encore à justifier. Les états financiers aussi présentent des conflits de chiffres. C’est le cas du bilan et le tableau d’amortissement. Pendant toute la période contrôlée, les différences observées atteignent la barre de 1 milliards. La tendance fut la même de 2014 à 2017. Pour ce qui est des créances de la société, il a été constaté que pendant plusieurs années, les dépenses engagées dépassaient largement le crédit. Autrement dit on dépensait beaucoup plus que les prévisions annuelles. A tel point que le dépassement des trois dernières années précédant l’arrivée de Yasser Assoumani, a atteint 310 millions 816 153 francs. En 2017 par contre, l’exercice s’est soldé par un excèdent de 723 millions 890 704.
Augmentation injustifiée des salaires
La dernière rubrique entachées d’irrégularités est la masse salariale. Entre 2014 et 2017, la section des comptes a découvert après analyse des états financiers des montants différents de ceux présents dans les bilans du conseil d’administration. La masse salariale augmentait chaque année malgré une stabilisation du personnel observée en 2017. Ces hausses injustifiées se chiffrent à des centaines de millions. En 2014, la différence entre les salaires payés et les salaires comptabilisés s’élève à 137 millions 170 344. En 2017 également, les bilans montrent que les rémunérations ont coûté à la société 901 millions 516 356 francs. Mais dans les faits, il s’avère qu’en réalité le montant des salaires payés est de 775 139 492 francs. Donc 126 millions 376 860 sont à justifier. En quatre ans le rythme est resté le même. Ces écarts conséquents remarqués sur les salaires s’élèvent 573 millions 716 476 francs. S’agit-il des emplois fictifs ou ce sont des charges masquées à travers les rémunérations ? L’Ampsi est sommé de procéder à une actualisation de son fichier du personnel dont le logiciel de gestion est défectueux depuis 3 ans.
Abdou Moustoifa