Menacée par des villageois survoltés, la famille a sollicité la protection de la gendarmerie. Elle y a passé la nuit du mercredi. La victime aurait donné d’autres noms de certaines filles issues du même village présumées victimes du maitre coranique.
Publié le vendredi 28 février
Abdou Moustoifa
Un étrange scène s’est produit à Dzahani la Tsidje. Depuis mercredi, la famille de la fille présumée victime de viol vit sous protection de la gendarmerie. Et pour cause : Pendant l’audition devant le juge d’instruction, la victime a dévoilé les noms d’autres filles qui auraient subi le même sort qu’elle.
Des groupes de jeunes qui n’ont pas avalé la divulgation d’une telle information auraient tenté de troubler la famille. Craignant d’être agressé, les membres de la famille de la petite, ont cherché refuge auprès de la gendarmerie où ils ont passé la nuit du mercredi.
A l’heure où nous écrivions ces lignes, ils n’étaient toujours pas rentrés. Ce lynchage a créé un tollé. L’avocat de la victime, Me Moudjahidi Abdoulbastoi a condamné ce traitement réservé à une famille déjà traumatisée par ce qui s’est passé et qui devrait avoir le soutien de tout le monde.
“ C’est inadmissible. Une enquête est ouverte, laissons la justice faire son travail. Elle donnera son verdict“, dénonçait-il sur une vidéo postée sur page Facebook.
Salir les noms
Qu’est ce qui a déclenché la colère des habitants ? Selon le témoignage du chef du village, que nous avons joint au téléphone, c’est un père dont la fille a été citée sur la liste qui aurait soulevé le mouvement.
” Il est venu nous informer que quelqu’un a mentionné le nom de sa fille comme victime de l’enseignant en question. Au moment où la délégation désignée par les autorités villageoises est partie s’enquérir du fond de l’histoire, elle a trouvé les gendarmes sur place. Les choses commençaient à dégénérer. Mais tout de suite après, tout est rentré dans l’ordre. Quelques moments plus tard, la situation s’est empirée et nous avons appelé la gendarmerie pour nous secourir“, a-relaté le chef. Le père de la victime qui est l’auteur de la plainte, a apporté quelques éclaircissements.
Contrairement à ce que l’on raconte, les noms des filles qui auraient été abusées par le maitre coranique sont tombés dans le bureau du juge « lorsqu’il a demandé à ma fille s’elle n’avait rien à rajouter ».
La victime qui aura 12 ans bientôt a affirmé que ce sont les autres victimes qui auraient confessé devant elle. Comment l’information est parvenue au village jusqu’à attisé la colère des jeunes ? On ne sait pas encore.
Mentalités
Jointe au téléphone hier, la présidente de l’Ong Mwana tsiwa mdzima, une association qui lutte contre les violences faites aux femmes et aux enfants, Nadja Said Abdallah est montée au créneau. Et prend la défense de la famille.
” Les mentalités doivent changer. Les deux certificats confirment qu’il y a viol. Pourquoi cet acharnement contre la famille qui a osé porté l’affaire devant la justice“, déplorait-elle. Cette dernière estime que peu de gens comprennent le mot viol.
Selon la loi Mourad, le mot viol désigne « tout acte de pénétration sexuelle de quelque nature qu’il soit commis sur la personne d’autrui qu’elle soit la violence, contrainte ou surprise ».
La loi Fatah, promulguée en 2014, va plus loin. Elle définit le viol comme tout acte de pénétration vaginale, anale, ou buccale par le sexe d’autrui ou la pénétration vaginale ou anale par un quelconque objet sans le consentement intelligent et volontaire de la personne pénétrée….La dénonciation des viols est sujet tabou. Pour des multiples raisons, les familles gardent le secret pour des raisons familiales ou à cause du laxisme dont bénéficient les coupables.